jeudi, août 16, 2018

Life in Men.

  J'étais complètement dubitatif face au projet de plateforme de streaming "Facebook Watch", que j'imaginais cherchant à concurrencer Netflix, Amazon, Hulu, ou les futurs services de Apple et Disney prévus pour fin 2019, mais en cherchant un peu j'ai lu que c'est une offre de "vidéo à la demande gratuite", qui mélange streaming, live, et shows à horaires réguliers, avec des coupures pub pendant les programmes. Ils proposent surtout des émissions: docu-séries, news, télé-réalités, talk shows, séries pour ado, sport, etc... de moins de 30 minutes, ça ressemble à un mix entre télé traditionnelle et YouTube (en plus pro, avec une ligne éditoriale) j'ai l'impression. Un service de programmes courts, consommables rapidement sur mobile/tablette/ordi/smartTV, avec le budget et la qualité de production télé, ça peut marcher finalement, même si Facebook est une compagnie bien trop puritaine et politiquement correcte pour proposer quoique ce soit de vraiment interessant du coté des séries télé.

Depuis 4-5 ans les "nouveaux entrants" (streamers) ont bouleversé le jeux, avant il n'y avait qu'une poignée de chaines câblées qui proposaient des programmes interessants. HBO a été la première et est encore la plus importante, son créneau est la qualité plutôt que la quantité, télévision haut de gamme gros budget, elle ne propose des séries originales que le dimanche soir, et choisit donc ses projets avec une grande minutie, des séries prestigieuse et très différentes de ce qui se fait sur les networks, moins lisse ou formaté, avec du sexe et de la violence, dés 1997 (Oz, The Wire, The Sopranos, Six Feet Under, Carnivale, Rome, Sex and the City, Girls, Game of Thrones, Westworld, The Deuce) ce qui a fait sa réputation, mais il semble que le nouveau propriétaire (la compagnie de télécom AT&T) veuille changer ça en produisant plus de contenue, pour contrer Netflix et Amazon Prime, elle avait aussi en exclusivité les films de la 20th Century Fox, son rachat par Disney et leur plateforme de streaming arrivant prochainement risque de changer la donne. On a ensuite Showtime (groupe CBS), qui fonctionne sur le même business model premium (similaire à Canal+) et a été sa première concurrente, avec une programmation originale "LGBT" au début (Queer as a Folk et The L Word) dès 2000, même si elle n'a jamais eu son succès, s'en rapprochant avec des shows comme Dexter, Weeds ou Homeland, elle a du mal à rester dans la danse aujourd'hui, avec des shows peut-être moins marquants (Shameless, The Affair, Ray Donovan), même si l'arrivé de Kidding de Michel Gondry, avec Jim Carrey, est un gros coup, et Who is America? de Sacha Baron Cohen a "fait le buzz". FX (groupe FOX) propose des productions originales depuis 2002, avec une recherche constante de marquer les esprits et être précurseur (The Shield, Nip/Tuck, Damages, Fargo, Atlanta, Legion, AHS, Pose), destiné à un public plus jeune que HBO, pour moi la chaine la plus excitante et novatrice des dernières années. Et AMC, la dernière entrante, en sortant MadMen en 2007 et Breaking Bad en 2008, qui rivalisent avec HBO en qualité et exigence, elle est passée instantanément de petite chaine qui rediffuse de films Classiques à acteur majeur (The Killing, Preacher, Better Call Saul, The Terror), elle semble avoir du mal à trouver la suite, et surfe surtout sur le succès de The Walking Dead maintenant. D'autres chaines moins importantes, souvent spécialisées, comme SyFy, TNT, USA Network, ou Starz, ont du mal à sortir du lot avec 1 shows interessant de temps à autre.

Netflix a mis un grand coup de pied dans tout ça, proposant un nouveau modèle: la vidéo à la demande par abonnement, en ligne donc sans les contraintes du format télé (horaires, lieu, supports) et de rendre disponibles les saisons entières de séries en une fois, inventant ainsi un nouveau mode de consommation (le "binge watching"), elle a marqué l'inconscient collectif en arrivant sur le marché du programme original en 2013 avec House of Cards et Orange is the New Black, qui ont été instantanément des succès médiatiques, et ont placé Netflix à la table des grands. La plateforme a de suite choisit une stratégie opposée à celle de HBO, en inondant le marché de nouvelles productions, avec énormément de grands succès, dont tout le monde a parlé (Stranger Things, 13 Reasons Why, Black Mirror (racheté à Channel 4), The Crown, BoJack Horseman, Sense8, Mindhunter, Master of None, Glow, les séries Marvel), mais aussi des programmes télé qui sont devenus des phénomènes aux USA, comme le revival de la télé-réalité Queer Eye ou les docu-séries (Making a Murderer, The Keepers), cette avalanche de programmes fait qu'il y a aussi des ratés (Altered Carbon, Gypsy, ou Lost in Space) qui ternissent un peu son image de qualité. Netflix domine clairement le marché du streaming, mais beaucoup de "nouveaux entrants" arrivent les poches pleines, avec des stratégies différentes. Les plus petites, comme pour les petites chaines câblées, cherchent leur Mr Robot/The Sinner (USA Network), Killing Eve (BBC America) ou Rick and Morty (Adult Swim), des shows qui compensent largement leurs modestes audiences par leur notoriété médiatique et/ou récompenses. Parce que leur modèle de service se fait par abonnement, ils ont besoin de têtes de gondoles, une série très regardé est un bonus, mais il leur faut surtout des shows qui peuvent remporter des prix (Emmy's), entrer dans le Zeitgeist, et attirer des clients prêts à payer tous les mois pour leur service, dans une marché de plus de 500 fictions produites par an ce n'est pas si facile. Hulu (groupe Fox) est le meilleur exemple avec The Handmaid's Tale, qui lui a permis d'entrer en concurrence avec les plus gros streamers, alors que la série n'est probablement pas très regardée, du coup elle s'est fait un nom et a décroché des productions comme Castle Rock de Stephen King et JJ Abrams ou The First de Beau Willimon (House of Cards) avec Sean Penn, et des projets comme la dramédie Queen sur la vie de RuPaul, des adaptations en séries de livres comme Catch 22 avec George Clooney, Less Than Zero de Bret Easton Ellis, et The Vampire Chronicles d'Anne Rice.

Amazon a eu Transparent dans cet esprit, dans une moindre mesure, surtout un succès d'estime avec plusieurs Emmy's, mais le service semble avoir changé de stratégie, après avoir surtout proposé des petites comédies assez "queer" (Transparent, I Love Dick, One Mississippi) au milieu de dramas qui ne m'ont pas interpellés, le géant de la vente sur internet semble s'attaquer au marché des séries de prestige, et cherche le graal "Game of Thrones": succès autant critique que public/financier, ils mettent énormément d'argent dans des productions haut de gamme, marchant sur les platebandes de Netflix, mais surtout HBO, qui fait des séries plus sombres et "adultes". Ce n'est pas qu'une question d'argent bien sûr (Amazon a dépensé 4.5 milliards pour ses contenus en 2017, contre 6.3 pour Netflix, Hulu & HBO 2.5, Apple & Facebook 1 pour commencer, et Disney ne donne pas de chiffre, ils ont un catalogue tellement imposant déjà), on l'a vu avec des flops comme les très couteux Marco Polo et The Get Down sur Netflix, ou Vinyl sur HBO, mais l'argent permet d'acheter et de produire potentiellement les meilleurs projets, et pour cette rentrée c'est clairement Amazon qui a raflé les plus demandés, comme Homecoming de Sam Esmail (Mr Robot), The Romanoffs de Matthew Weiner (MadMen), Forever avec Fred Armisen et Maya Rudolph, et même Jack Ryan, avec ensuite pour 2019 Tong Wars de Wong Kar Wai (In the Mood for Love) et Too Old To Die Young de Nicolas Winding Refn (Drive, The Neon Demon), sans parler de la série "Seigneur des Anneaux" en développement. La nouvelle CBS All Access semble s'installer tranquillement, misant sur différentes séries de l'univers Star Trek, un spin-off de The Good Wife (CBS), et un revival de The Twilight Zone.

Disney semble se diriger vers ce format de vidéo à la demande par abonnement, façon Netflix/Amazon, et va bouleverser le marché en gardant probablement en exclusivité sur sa plateforme ses blockbusters (qu'elle louait en exclusivité à Netflix), elle va avoir un catalogue énorme, en y ajoutant les productions 20th Century Fox (dont les films passaient en exclusivité sur HBO), qu'elle vient de racheter, qui comprend Fox Searchlight, gros fournisseur de film à Oscar. Elle va aussi proposer des séries exclusives (du Marvel, du Star Wars dont une série de 10 épisodes au budget de 100 millions de $, Monster Inc, High School Musical...) pour attirer encore plus de monde, mais en restant vraiment familial et "kid friendly". En bonus ils ont Hulu et FX dans le package "Fox", donc une plateforme et une chaine câblée pour les productions plus "indé", qui n'auraient pas leur place sous la marque "Disney". Il reste a savoir si ce service sera global ou réservé au marché américain, et si le coté lisse et grand public de Disney ne va pas être un peu chiant. C'est aussi pour ça que Netflix produit autant de shows/films en ce moment, à perte (l'investissement va doubler pour atteindre 13 milliards estimés en 2018), pour changer un peu son modèle, étoffer son catalogue, et devenir plus indépendant, il passe aussi des contrats d'exclusivités faramineux, comme avec Shonda Rhimes (ABC) et Ryan Murphy (FX/Fox), 2 gros fournisseurs de contenues populaires, ou avec plusieurs comiques pour diffuser des "Comedy Specials", ce qui était une spécialité HBO avant. Et ils ont encore énormément de projets excitants comme Maniac de Cary Joji Fukunaga avec Emma Stone, Nightflyers (co-produit avec SyFy) d'après Georges R.R. Martin, ou même Chilling Adventures of Sabrina avec Kiernan Shipka (Mad Men), et pour plus tard The Eddy de Damien Chazelle, Dark Crystal: Age of Resistance, Ratched de Ryan Murphy avec Sarah Paulson, la série d'anthologie de Guillermo Del Toro, A Life in Men de Charlize Theron avec Kristen Stewart, l'adaptation de Midnight's Children de Salman Rushdie, au milieu d'une 50taine d'autres. De son coté Apple reste flou sur les spécificités de sa future plateforme, elle se positionne sur le même genre de productions que Netflix visiblement: gros budgets, pleins de stars, et grand public/"Popcorn", pas trop de violence ou de sexe, probablement moins dirigé "enfants" que la maison de Mickey, une sorte de HBO puritain, certains projets ont l'air cool quand même: des adaptations des romans Foundation de Asimov, Pachinko, et Shantaram, des dramas de Damien Chazelle et M. Night Shyamalan, du Carpool Karaoke... Pourquoi pas. Apple pourrait juste proposer ses programmes à la demande, comme elle le fait déjà sur l'iTunes Store pour les séries et films des autres, à moins qu'il ne "révolutionne" le concept, on verra l'an prochain.

En conclusion: encore plus de bons shows à voir / encore plus de difficulté pour les trier. Je réfléchis à des trucs comme ça au lieu de dormir, alors je me suis dis que faire des recherches vite faites sur le sujet, et compiler tout ça rendrait le tout plus clair, et ce pavé indigeste prouve que je ne suis clairement pas journaliste.

1 commentaire:

arthur a dit…

Je découvre ton blog grâce à mattoo. Merci. J t apprends plein de trucs ! Et j adore les illustrations de ce post. D où viennent elles?
Arthurv

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