lundi, novembre 29, 2004

mon premier meurtre.

 J'avais 11 ans quand je l'ai connue, j'étais en 6ème et venais de débarquer dans ce bled de bouseux, elle est devenue ma meilleure amie. Au cours des années on est vraiment devenus proches, on faisait tout ensemble, elle habitait non loin de chez mes parents et on utilisait des talkies-walkies pour rester en contact tout le temps, on faisait le mur la nuit pour se bourrer la gueule sur le terrain de foot (les joies des banlieues chics), bref, j'ai toujours été exclusif... Gaëlle E. n'était pas ce qu'on pouvait appeller une jolie fille, trop couvée par des parents qui allaient jusqu'a choisir ses vêtements (chemisette/sous pull pastel), elle avait une timidité maladive qui lui faisait avoir des crises d'angoisse/spasmophilie, et donc de sérieux problèmes de communication.

Vers la 4ème j'ai commencé à avoir des amis "cool", qui jouaient de la guitare au fond de la cour, fumaient le bedo et bravaient l'autorité (vive l'adolescence). J'emmenais Gaëlle E. partout avec moi et malgré le fait que mes nouveaux potes la trouvaient répugnante et gourdasse je l'imposais quand même, déjà un total désintérêt pour l'opinion des autres, c'était mon amie et fallait faire avec.

Elle a finit par prendre confiance, se lâcher, parler aux gens seule, montrer une certaine assurance même. J'étais vraiment content pour elle, elle s'épanouissait, elle en devenait presque jolie. Malgré quelques critiques et questionnements de pourquoi je trainais avec elle, mes amis savaient qu'il ne fallait pas l'emmerder, elle était comme sous ma protection. Ils ont fini par l'accepter.

Puis elle a commencé à devenir un peu distante, elle avait moins de temps pour moi en dehors du lycée, cela ne me gênait pas vraiment, j'avais pas mal d'amis et d'occupations. Le jour de la rentrée en 1ère, j'arrive au bahut et fais mon tour de bise, quand son tour arrive elle me toise et tourne la tête, méprisante. Ca peut paraître ridicule voir insignifiant mais je m'étais pas mal pris la tête pendant ces 5 ans pour que les gens l'acceptent, je n'attendais pas de reconnaissance mais un minimum de respect. Je prends beaucoup de choses sur moi mais une fois que je me suis senti trahi ou blessé j'ai une immense capacité à occulter la personne, je prends certaines choses trop à coeur.

Je n'ai même pas cherché à comprendre, elle est morte ce jour là, pour moi et pour beaucoup d'autres, j'ai fais ma Anna O (lisez Freud), elle a totalement disparue de ma vie, j'ai arrêté de culpabiliser. Mes amis ont recommencé à se moquer d'elle, je ne faisais plus rien pour la défendre, j'ai même sûrement dû en rajouter une couche, son nom était devenu synonyme de laideron dans le lycée et avait remplacé celui de Josiane Balasko ("arrête avec ta tête de ..."). Je me demande encore aujourd'hui comment elle a fait pour résister à l'envie de se tuer. Je ne suis pas fièr de moi, je sais juste maintenant que j'ai une limite, comme un barrage, et qu'une fois rompue rien ne peut réparer les dégâts. Je la croise quelques fois quand je retourne chez mes parents, elle a redoublé cette année là, est passé des brillants aux mauvais, s'est mise à arborer une coupe de cheveux façon Eddie Mitchell et a développée une acné purulente. Elle est caissière au supermarché maintenant.


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