mercredi, avril 06, 2005

That's the way it is, that's the way love goes, i know it, that's the way.

      C'est un peu mon couple fétiche de la semaine, j'en ai un de temps en temps, un de ces couples hétéros qui te font regretter, dans les 25 ans, charmants tous les deux, ensemble et séparément, lui châtain aux yeux bleus, elle pleine de caractère, coupe brune aux épaules et un diamant sous le nez, comme une mouche arty d'aujourd'hui ; canadiens anglophones en plein voyage in the romantic Paris, dîner au premier étage de la tour Eiffel, Bateau Mouche, Moulin Rouge ; attachants, dès que je les ai vus, je n'ai pas eu à me forcer, des gens comme ça, des gens que les circonstances ne laisseront pas devenir des amis, mais tu en sens l'envie, partagée, le plissement dans le coin de l’œil ; j'aime les voir se planter ensemble devant ma réception avec un grand sourire et s'excuser de me déranger.

    Ce soir, en rentrant, ils se renseignent, un minibus pour l'aéroport, elle me dit connaître l'heure de l'avion mais il dit qu'il reviendra plus tard réserver, une heure après il est devant moi, nerveux, on parle de la navette, il veut régler la chambre dans son intégralité, tourne autour du pot, semble hésiter à me poser une question, je le regarde interrogateur, il a un sourire timide en coin et finit par me demander comment dire would you marry me en français ; et là j'ai fondu comme on fond devant une comédie légère et sucrée, je l'ai vu se mettre à genoux devant elle, une petite boite à la main, et lui faire sa proposition dans un français approximatif, j'ai vu son regard à elle, surpris, son sourire, j'ai vu leur vie, ses haussements de sourcils quand elle sera fatiguée, ses regards à lui sur elle, admiratifs, souvent à la dérobée pour qu'elle ait toujours cette impression de liberté, son envie de bien faire, de l'étonner, elle aime déboucher le vin et lui faire semblant d'être déboussolé, pour la laisser faire pleine de fierté ; leur premier enfant à qui ils raconteront comment ils se sont fiancés, dans cette petite chambre d'hôtel avec vue sur une rue dont ils auront oublié le nom, dans une capitale lointaine illuminée ; c'est peut-être ça qui me manquera le plus dans le fait d'être un garçon sensible, les instantanés sépia, ne pas pouvoir jouer ces grandes scènes de la vie, ces clichés cinématographiques tout de suite ringards entre pédés, ne serait-ce que de se distribuer les rôles, j'ai du mal à imaginer, j'ai toujours préféré les filles de toute façon, alors comment cela pourrait-il jamais vraiment marcher, avec un garçon ; je laisse ces images m'emporter et les imagine tous les deux, nus, lovés, et me dit que ça au moins je peux et continuerai d'y goûter.
    De leur voyage ils garderont tout ça, le goût du vin, le froid soleil du mois d'avril, le ticket d'entrée au musée d'Orsay, l'émotion devant ce tableau de Monet fleuri dont ils aiment à se rappeler la douceur, des photos cornées du quartier latin, des anecdotes de taxis râleurs sur les boulevards, cette boule à neige ridicule avec Notre Dame, achetée dans une échoppe de Montmartre pour sa mère à lui mais qu'ils ont fini par garder et qui empêche les livres de tomber dans le couloir étriqué de leur appartement neuf de Calgary, des impressions, un vague sentiment d'avoir rêvé ; j'aime à penser que quelque part, dans 30 ans ou plus, je ferai toujours partie de leur histoire, un souvenir, le réceptionniste français au drôle d'accent métissé, habillé en noir, l'ayant aidé à trouver ses mots ; on est liés, qu'on le veuille ou non, dans des centaines de scénarii de vie, et c'est peut-être ça, finalement, le sens premier, glaner des petits bouts d'éternité, tout bêtes et tout simples, qui nous permettent de continuer, oui, participer au cadrage, il suffit juste d'en avoir l'envie ; c'est un peu mon couple fétiche de la semaine, j'en ai un de temps en temps, un de ces couples hétéros qui te font regretter.

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